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Religieuse bénédictine mystique, Abbesse, visionnaire, guérisseuse, compositrice, poétesse et prophétesse, Hildegard Von Bingen était une importante figure du XIIe siècle allemand, dont les écrits et les partitions musicales ont survécu jusqu’à nos jours.

 

Alain Guillon réalise la grande majorité de ses tableaux après avoir médité sur des musiques ou des chants inspirés afin de nourrir son silence intérieur et ce qu’il appelle son « chant vibratoire ». Il nous livre dans cet article sa découverte de Hildegard Von Bingen et en quoi les voix du silence sont une source d’inspiration dans sa peinture.

« J’ai découvert l’existence d’Hildegard Von Bingen en achetant un petit livret recueillant des poèmes de femmes mystiques du Moyen Âge. Comme à mon habitude lorsque je n’ai plus de livre à lire, je file parcourir les rayons d’une librairie. Il me faut un livre, ou plusieurs, mais je ne sais pas lequel ou lesquels. Alors je cherche jusqu’à ce qu’un titre ou bien une couverture attire mon regard plus que d’autres. C’est un premier lien créé avec le « trésor » recherché, et lorsque je prends le livre en main, je sens (ou non) intuitivement que c’est celui qui répondra à une ou à certaines de mes attentes. Il y a comme une énergie douce et chaude, qui passe du livre à ma main, laquelle me confirme que ce choix est le bon.

Béatitude n°14. Feuilles de cuivre doré, quadrilobes peints à la main, au pinceau, avec de la poudre de marbre blanc teinté au pigment, bleu, orange, ocre jaune, ocre rouge. 80cm x 80cm. 2007/2008

 

« Et ce fut le bon ! Car ce petit livret m’apprit aussi que cette grande mystique était également compositrice… et sa musique m’apporte beaucoup dans mon travail de peintre, puisque je réalise mes tableaux après avoir médité sur des musiques inspirées – comme le tableau « Béatitude n°14 » réalisé après des méditations sur des chants composés par Hildegard Von Bingen. Certains des chants qu’elle a composés m’ont amené lors de méditation à ce silence intérieur profond et infini qui nous laisse hors du temps. Qui fut cette femme surprenante ? Une femme d’une grande érudition, très sensible et altruiste. Une femme passionnée par la vie, captivée par ses recherches biologiques, astronomiques, artistiques, toutes stimulées par sa force spirituelle et sa quête de compréhension des éléments et du monde au sens global. Une quête portée par sa foi, sa curiosité et son désir de contribuer au bien-être des autres.

 

« Hildegard Von Bingen est née 16 septembre 1098 à Bermersheim vor der Höhe, elle était la dixième enfant d’une famille noble. Très jeune, elle fut touchée par des visions mystiques – elle dira plus tard qu’elle fut touchée par la grâce divine à l’âge de trois ans. Ses parents la placèrent, à l’âge de huit ans, sous la tutelle de Jutta, Mère Abbesse du convent des bénédictines de Disibodenberg afin de lui confier son éducation et son instruction. Hildegarde prononcera ses vœux perpétuels à l’âge de 15 ans. A la mort de Jutta en 1136, Hildegard fut élue Abbesse de Disibodenberg par ses sœurs ; elle avait 38 ans. En 1150, à l’âge de 52 ans, elle fonda le couvent de Rupertsberg avec vingt religieuses, sur le Rhin, en face de la ville de Bingen. Elle s’émancipa ainsi du poids de l’autorité du Père Abbé du monastère bénédictin de Disibodenberg dont dépendait le petit couvent des bénédictines. En 1165, elle fonda l’abbaye d’Eibingen. Elle s’est éteinte à 81 ans le 17 septembre 1179 à Rupertsberg, près de Bingen. En octobre 2012, elle a été déclarée « Docteur de l’Eglise » par le Pape Benoît XVI.

Petit voyage éthéré n°39. Feuilles de cuivre doré, papier de soie bordeaux + tampon indien au pigment orange et vert, quadrilobes peints à la main, au pinceau, avec de la poudre de marbre blanc, pigments rouge bordeaux, feuilles séchées d’Immortelles. 27cm x 22cm. 2017. Ce tableau rappelle le végétal et les plantes médicinales étudiées par Hildegard et la place qu’elle leurs accordait dans la vie. Il s’agit du seul tableau pour lequel il n’y a pas eu de méditation musicale mais, comme pour la plupart des « Voyages éthérés », une méditation sur le silence intérieur et son « chant vibratoire ».

 

Très grande érudite, inspirée et curieuse de comprendre le pourquoi et le comment des éléments qui constituent l’homme, la nature et l’univers, elle mit par écrit ses recherches et ses réflexions inspirées et nourries aussi par les œuvres et les recherches de grands médecins et philosophes antiques et arabes. Son double don de voyance et de guérisseuse en fit un médecin des plus renommés de son temps. Sa médecine alliait des éléments savants de grands auteurs et des connaissances locales de médecine populaire.

 

« Dans un traité de mystique contemplative, Le Livre des œuvres divines, où se mêlent théologie et philosophie naturelle, elle exposa sa vision de la création de l’univers et de l’homme, les deux étant liés, considérant que l’organisation du corps humain est semblable à l’organisation de l’univers – le microcosme dans le macrocosme.
« De la nature est l’ouvrage dans lequel elle répertoria et décrivit près de 300 plantes, 61 variétés d’oiseaux et autres animaux volants et 41 sortes de mammifères, d’après ses propres observations et cela dans un but à visée thérapeutique. Elle y indiqua les remèdes pouvant être réalisés à partir de chaque plante ou organe d’animaux. Hildegarde Von Bingen est considérée comme la première naturaliste d’Allemagne et certains aujourd’hui la voient comme une naturopathe avant l’heure et s’inspirent de ses écrits et de ses conseils et recettes.

« Les causes et les remèdes est un manuscrit sur les causes des maladies et les remèdes à utiliser. Sa réflexion sur les corps humains, sur la psychologie et la sexualité fut d’une grande modernité pour l’époque, et elle s’intéressa tout particulièrement au corps féminin et ses souffrances liées à l’accouchement, aux règles, aux cycles… Pour y remédier, elle publia des recettes censées apaiser les douleurs des femmes.

 

« Bien que certaines de ses pratiques furent infondées et reposaient davantage sur des croyances, elle eut aussi des affirmations intuitives qui s’avèreront vraies plus tard, comme sur la physiologie humaine – le sang circule dans le corps -, ou bien dans un autre domaine scientifique, que la terre tourne autour du soleil placé au centre du monde et que les étoiles fixes sont en mouvement.

Petite Béatitude n°13. Feuilles de cuivre doré, tampons indiens au pigment bleu nuit, quadrilobes peints à la main, au pinceau, avec de la poudre de marbre blanc teinté au pigment, bleu, orange, vert, rouge, violet. 30cm x 30cm. 2008. Les couleurs utilisées renvoient à certaines enluminures des manuscrits écrits et illustrés par les religieux au Moyen-Âge.

 

On lui attribue également des dessins et des peintures, lesquels illustrent ses manuscrits.
A ces trois manuscrits s’ajoute celui intitulé « Scivias » (du latin : sci vias Dei, « sache les voies de Dieu »), dans lequel elle a reporté à partir de sa quarante troisième année toutes les visions qu’elle avait eues depuis sa petite enfance. C’est le premier ouvrage qu’elle a écrit entre 1141 et 1151. Elle écrira les autres entre 1158 et 1173.

 

Religieuse créative et sensible aux arts, entière dans sa foi et ses convictions spirituelles, c’est à travers ses écrits poétiques et ses créations musicales qu’elle exprima avec le plus de passion et d’originalité son amour pour Dieu, la grandeur et la délicatesse de sa foi.

 

« Hildegard Von Bingen écrivit de nombreux poèmes ou textes poétiques et elle l’a fait avec une liberté et une sensibilité qui n’appartenait qu’à elle et qui était à la hauteur de sa « Foi passionnée ». Dans certains de ses textes, au travers des conseils qu’elle prodigue, nous retrouvons la femme de foi altruiste tournée vers les autres, soucieuse de leur bien-être physique comme moral. Dans d’autres écrits, plus surprenants pour l’époque, comme ce poème ci-dessous à la gloire de la Vierge Marie, elle s’est exprimée avec un vocabulaire sensible et sensuel, en des termes d’amour charnel, ce qui n’est pas courant pour traiter ce sujet sacré et religieux :

Ô toi, la plus belle et la plus suave
Combien Dieu s’est plu avec toi
Lorsqu’il a placé en toi l’étreinte de sa chaleur
Et qu’ainsi tu as nourri Son Fils
Ton ventre s’est réjoui
Quand tu as fait retentir toute la symphonie des cieux,
Car, ô Vierge, tu as porté le Fils de Dieu.

« A son talent de poétesse, s’ajoute celui de compositrice. Entre 1151 et 1158, elle composa des partitions musicales destinées à être chantées par les sœurs de son couvent lors des cérémonies religieuses. Ces compositions chantées étaient accompagnées par des instruments de musique, alors que leur utilisation n’était pas tolérée pendant le culte par les instances catholiques de cette époque. Ce qui traduit bien son indépendance et sa volonté à vivre sa spiritualité selon sa sensibilité et à le faire avec vérité et liberté en y associant la délicatesse et la beauté des arts. Elle composa 77 pièces liturgiques. Il faut souligner aussi qu’à cette époque les femmes n’étaient pas autorisées à chanter dans les églises, exception faite pour les nones, mais cela ne concernait pas obligatoirement tous les monastères et couvents.

Impression romane. Réalisé après des méditations sur des chants grégoriens. Feuilles de cuivre doré pigment rouge chair, papier de soie, tampons indiens au pigment bleu lumière et poudre d’or, quadrilobes peints à la main, au pinceau, avec de la poudre de marbre blanc teinté au pigment, vert anglais, rouge de Prusse. 80cm x 80cm. 2001.

 

« Certains des chants qu’elle composa sont chantés a capella par un chœur féminin et une soliste. Des voix douces et légères qui s’évaporent comme un voile soyeux en s’élevant dans les airs. Des rythmes lents aux sonorités rondes et enveloppantes, parfois suaves. La résonance de ces voix féminines qui s’expriment en canon dans le chœur de l’église nous font prendre conscience de la dimension du silence qui règne dans ces lieux spirituels, silence infini propice au recueillement et à la prière. Un silence qui rythme leurs journées, qu’elles chantent, travaillent, ou bien prient ; il accompagne chaque acte de leur quotidien, chaque instant qui les relie à Dieu par leur vœux et leur amour. Je pense que ce silence-là est une des portes qui mènent au silence intérieur que nous pouvons ressentir en nous dans certains moments de notre existence, qu’il s’impose à nous ou bien que nous le recherchions volontairement.

 

« Ce silence intérieur, nous l’atteignons lorsque nous descendons en nous-même, dans le but de nous isoler des nuisances sonores du monde ambiant extérieur afin de nous recentrer sur notre énergie propre ».

 

« C’est une bonne manière de se ressourcer, en retrouvant en nous une paix, une sérénité qui nous permettent d’être en phase avec notre énergie vitale. La méditation peut nous permettre de l’atteindre, comme la prière qui s’apparente à cette première. Tout n’est qu’une question de concentration et en même temps de lâcher prise total avec tout ce qui nous relie émotionnellement avec notre environnement.

De fait, je pense que lorsque nous sommes concentré sur une activité qui nous passionne, à l’instant où tout notre être, tant spirituellement que physiquement et intellectuellement, est concentré pleinement et entièrement à l’exercice de cette activité même, nous atteignons parfois (consciemment ou inconsciemment) ce silence intérieur. Que cette activité soit une prière, une recherche biologique ou astronomique, ou bien artistique, comme pouvait le faire Hildegard Von Bingen, lorsque notre énergie est dédiée à 100% à cette activité, nous ne faisons qu’un avec elle, et dans cet état de concentration et en même temps de lâcher prise, et de « quasi fusion », nous pouvons accéder à ce silence intérieur.

« Atteindre ce silence intérieur, c’est accéder en nous à des énergies diffuses et infinies qui nous relient à toutes les autres énergies de l’univers, quelles qu’elles soient. Nous nous sentons partie intègrante de toutes ces énergies et pourtant, nous sentons que chacune d’entre elles est différente des autres, y compris de la nôtre. Et selon le lieu dans lequel nous vivons cette expérience du silence intérieur, nous ne ressentirons pas les mêmes énergies et leurs résonances seront de nature et de qualité différentes, dans le sens où certaines seront plus présentes ou plus fortes que d’autres.

Béatitude n°26. Feuilles de cuivre doré, quadrilobes peints à la main, au pinceau, avec de la poudre de marbre blanc. 50cm x 50cm. 2012. L’aspect céleste et aérien de ce tableau fait écho aux chants célestes et aériens composés par Hildegard – ce tableau a été réalisé après des méditations sur des musiques traditionnelles indiennes, tout aussi célestes et aériennes.

« En atteignant ce silence intérieur, nous ne sommes plus qu’énergie et tous nos sens sont décuplés au point que nous renouons avec notre 6ème sens ; notre sens intuitif, car nous ressentons les énergies extérieures à nous-mêmes et les recevons et les comprenons sensoriellement. Nous n’appréhendons plus tout ce qui nous entoure avec notre intellect mais avec nos sens sur un plan énergétique. C’est comme si nous entendions, voyions, goûtions, sentions et touchions avec ce sixième sens. Toute compréhension des énergies qui passent par nous ainsi que les messages qu’elles portent sont décryptés par ce 6ème sens. Notre être entier fonctionne en mode sensoriel.

« Cet état de plénitude nous repose, nous ressource, nous permet de ne faire qu’un avec notre âme et ainsi de nous recentrer sur notre vraie identité. Il nous amène aussi à davantage de lucidité et à un niveau de conscience élevé. Nous ressentons avec conviction dans cet état d’être de pleine sérénité et de communion avec le Tout Infini que nous sommes dans la Vérité. Nous le ressentons profondément comme une évidence, même si nous ne pouvons l’expliquer rationnellement. »

Portrait d’Ame, Hildegarde de Bingen. Feuilles de cuivre doré, collage d’un papier aux motifs floraux, quadrilobes peints à la main, au pinceau, avec de la poudre de marbre blanc teinté au pigment rouge de Prusse, tampons indiens à la poudre d’or, dont motif floral. 50cm x 50cm. 2004

« Lorsque nous atteignons ce silence intérieur, nous ressentons non seulement une sérénité infinie, mais aussi une sensation d’espace infini dont nous faisons partie intégrante, comme si la barrière physique de notre enveloppe charnelle n’existait plus. Tout n’est plus qu’énergies circulant au travers des matières et créant ainsi un lien énergétique – voire des liens énergétiques – avec tout ce qui nous environne. Nous sommes là et maintenant, nous sommes dans la vérité de l’instant ».

 

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