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لاتذهب ياصاحبي الى حديقة الورود، ان حديقة الورود هي في داخلك ـ الشاعر الهندي كبير
(« O ami, ne va pas au jardin des fleurs, le jardin des fleurs est en toi »), Kabir 15th c.

La calligraphie est un art de l’équilibre et de la fragilité, – équilibre entre couleur et vide, entre léger et appuyé, entre élan et repos.

Si les œuvres de Hassan Massoudy transmettent un état de grâce si puissant pour le spectateur, c’est parce que cette grâce a d’abord été vécue de l’intérieur, conquise et réalisée par l’artiste lui-même.

« Je taille mes calames et fabrique mes instruments larges. Je choisis mes papiers et prépare le jour-même mes couleurs, mélange de pigments et de liant. L’instrument à écrire, le papier et la couleur doivent vivre ensemble, mais cette cohabitation est rarement harmonieuse dès le premier geste », explique Hassan dans Calligraphies d’amour (Albin Michel publisher, Paris 2004).

« Les couleurs à l’eau et la calligraphie demande un travail à plat. Par des gestes de va et vient, jusqu’à ne faire qu’un avec la matière, je me sens devenir moi-même calligraphie. Refléter dans les lettres l’image du poète ou une forme qui m’habite ou bien encore une forme imprévue, c’est s’enrichir d’un nouveau tracé, gagné sur le vide blanc du papier. Je cherche, pour mes calligraphies, un espace vaste et illimité. Le blanc derrière le mot fait également partie intégrante de la forme, la calligraphie évoque donc aussi l’espace par son absence. Elle doit être discrète et permettre au regard de voir ce qui est invisible. Le plein et le délié sont la loi essentielle de la calligraphie, un mouvement, un angle qui définit l’ordre de l’organisation dans l’espace. Ces pleins et déliés expriment la force et la fragilité tout à la fois.

Les proportions ont une grande importance et sont définies au millimètre près. Ce calcul est perçu intuitivement par le regard et par le goût de celui qui contemple la calligraphie. Chaque forme par sa matière picturale, sa densité, sa hauteur, nous permet de sentir la pression de l’espace et le combat avec la gravité. C’est une écriture esthétique, lisible par tout œil exercé. Combien de fois ai-je eu de l’émotion à la vue d’un arbre courbé ? Puis mes yeux se déplacent vers un second plus élancé, plus vertical et dont l’élan de la sève nourrit les branches les plus hautes. En entrant dans mon atelier, je cherche à retrouver les attitudes de l’arbre. Ma lettre doit être aussi vigoureuse que la branche. La calligraphie est un art qui trace l’essence des choses et non le visible. Toute la difficulté est de dialoguer avec l’invisible. L’esquisse n’est qu’indication, la forme rêvée ne se réalise jamais pleinement. Le résultat est une part de hasard malgré tous les préparatifs d’un accueil favorable. Il suffit que le liant de l’encre ne soit pas de la qualité requise ou l’instrument mal taillé, pour tout faire échouer. Le contraire est aussi possible. Après une journée de travail fatigant, survient parfois un moment de relâchement où les gestes nonchalants et désobéissants s’emparent des formes. Quel étonnement, quelle surprise ! Les calligraphies sont d’une plus grande liberté. Les gestes planent dans l’espace sans se heurter, s’envolent très haut sans retomber. Ils sont larges sans lourdeur, minces sans brisure, aux proportions saines. Le lendemain, je me prépare à continuer ce que j’ai fait la veille, et pense avoir trouvé le fil d’or. Hélas tout est à recommencer, rien ne ressemble à l’impulsion d’hier. La beauté arrive et s’en va quand elle le décide.

Il faut persévérer, être attentif, relire la phrase poétique, revoir les images, en imaginer d’autres. Recommencer lentement, très lentement. Au lieu de regarder les lettres, observer la lumière qui circule entre les gestes calligraphiques. Continuer, répéter, lutter avec la matière, avec ce trio instrument-encre-papier, et le mot.

Comme la citation de Kabir le suggère, « O ami, ne va pas au jardin des fleurs, le jardin des fleurs est en toi », la plus grande beauté vient de l’intérieur. En ce sens, la calligraphie est avant tout une conquête sur et de soi-même.

Incarné par Hassan Massoudy, cet art devient aussi une leçon d’humilité, l’acceptation de ce qui peut ou ne peut pas circuler, la capacité d’accueillir tout ce qui se présente à l’artiste dans son dialogue avec l’invisible.

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