Debout dans la lumière. C’est à l’occasion de DropArt que j’ai fait la rencontre de cette sculpture. Pendant une semaine (6-14 septembre 2025), des artistes ouvrent leur atelier et bien que je connaissais déjà les œuvres d’Elisabeth Lopes, je n’avais jamais visité ses expositions.
Passée la porte d’entrée où trônent un livre d’or et quelques cookies, la maison au sol carrelé noir et blanc impose d’emblée une forte personnalité. Dans le fond du couloir, on aperçoit un escalier monumental. Les plafonds sont hauts, ornés de moulures, toute une ambiance. Sur la gauche, une pièce appelle le visiteur. Là, posées sur des meubles recouverts de draps blancs, dans une lumière tamisée, les sculptures nous attendent. Un texte, très poétique, accompagne la plupart, venant compléter, élargir, amplifier, la résonance de l’œuvre. De magnifiques lampes, dont les pieds ont été réalisés par l’artiste, donnent au lieu dans son ensemble une atmosphère hors du temps. C’est à une sorte de voyage, presque une traversée, que nous invitent les réalisations rassemblées ici.

Sur la gauche se trouve notamment “La gardienne des silences”, réalisée en vue de l’exposition “La Princesse de Jaisalmer”, organisée pour l’association Radh’Art (Castillonnès, 29 mai-1er juin 2025).
Au centre, “La rumeur”, une œuvre centrale et l’une des plus représentatives du travail actuel d’Elisabeth. Sur la droite, c’est la série des “Fabulettes” que l’on peut admirer : ours, mouton, vache, éléphant, chaque sculpture animalière vient livrer avec délicatesse un secret pour nous autres humains. Un secret de sagesse et d’émotion que l’on saisit comme souterrainement, dans un regard suggéré, un sourire esquissé, un murmure presque audible. “Chaque morceau de terre raconte une histoire, explique Elisabeth Lopes. Il suffit d’écouter…”.

Et, sur un rebord de cheminée, elle est là debout, la lampe dirigeant vers elle un rayon de lumière. Mais qui des deux éclaire vraiment l’autre ? Sa forme effilée donne à la femme – plutôt une jeune femme – un élan de verticalité, renforcé par l’angle du menton légèrement levé. Elle regarde vers le haut et nous emporte avec elle dans son geste. Son corps, tout en miroitement, allie solidité et fluidité. Sous sa robe étroite, ses longues jambes semblent la faire se mouvoir, d’une danse lente et sensuelle. Il y a en elle quelque chose de fascinant, que les vers qui l’accompagnent approfondissent encore :

Ancrée dans la terre,
Le visage tourné vers le ciel,
Elle ne fléchit pas
Elle accueille sans bruit la lumière
« Ce mystère tient peut-être en partie au hasard de sa réalisation. La sculptrice explique :
“Je sculptais déjà depuis une dizaine d’années lorsque j’ai voulu expérimenter le Raku, toujours dans la recherche d’une certaine symbiose avec la nature. Dans cette technique, les éléments jouent un rôle important, le feu, l’air et l’eau. Les pièces encore incandescentes sont extraites du four, puis plongées dans des matériaux combustibles. Elles sont enfumées, trempées dans l’eau, pour subir un choc thermique. C’est ce qui crée des craquelures caractéristiques, à la fois uniques et imprévisibles. On utilise un grès chamotté plus solide et des émaux spécialement formulés car ils doivent résister à de forts écarts de température. Cette technique ancestrale de poterie japonaise était initialement liée à la cérémonie du thé. On l’appelle « cuisson heureuse », « joie » ou « plaisir », ce qui reflète parfaitement l’expérience qu’elle offre, dans la simplicité, la beauté et le hasard. La sculpture s’est d’abord nommée « Debout » pour le côté élancé. Et c’est une personne venue à une expo qui a trouvé que « Debout dans la lumière » reflétait mieux la dimension spirituelle qu’elle voyait. J’ai gardé cette proposition qui m’a inspiré la légende”.
Une nouvelle Venus a pris corps, pour venir témoigner de la beauté de l’éphémère et de la fragilité.
Illuminée de ses reflets et scintillements nés au gré de cette cuisson emblématique, Debout dans la lumière est comme sculptée à quatre mains : celle de l’artiste et celle d’une intelligence faite de lâcher prise et d’instantanéité. Dans cette rencontre, pétrie des éléments qui l’ont fait naître, déesse sortie non pas de l’eau mais de la terre, une nouvelle Venus a pris corps, pour venir témoigner de la beauté de l’éphémère et de la fragilité : en somme, de la beauté du vivant. Une œuvre qui parle donc aussi d’humilité. Car, comme le dit Elisabeth Lopes :
“oui, l’argile est bien vivante. Vibrante, elle met l’humain en mouvement. A chaque instant, chaque regard, elle raconte une histoire nouvelle, avec le cri, la joie, le rire, la souffrance, les sentiments, qu’elle porte déjà en elle. On n’y est finalement pour rien si quelque chose se passe. Elle nous pousse, nous questionne, nous ramenant à toujours plus d’humilité… Et c’est tout l’esprit de mon travail qui restera à jamais inachevé.”
Inachevé : tel est peut-être le mot le plus juste pour rendre compte de l’émotion que dégage Debout dans la lumière. Comme si la parole devinée sur ses lèvres restait encore à saisir, comme si l’objet de son regard restait à trouver. Plus on la contemple, plus elle semble nous échapper, invitant toujours plus intensément à percer son mystère. Mais l’élan, lui, est bien là, présent, ancré : la sculpture appelle à s’élever.





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